Touen-Houang, grotte 54, paroi avant, panneau de droite

Charles Nouette

La paroi avant est le mur est, celui par lequel on pénètre dans la grotte. L’illustration est celle du Sūtra de Vimalakīrti, Vimalakīrti nirdeśa Sūtra (chin. Weimojie suo shuo jing, 維摩詰所說經). Très tôt traduit en Chine par Kumārajīva (chin. Jiumoluoshi, 鳩摩羅什), il y est devenu célèbre. C’est également un des grands textes du bouddhisme Mahāyāna (AP7933). Il a été traduit et annoté en français par Étienne Lamotte en 1997. Il contient quatorze sections. La première, intitulée « Les mondes du buddha », Buddha kṣetra (chin. Foguo pin, 佛國品), a pour cadre le jardin des manguiers à Vaiśālī, biyeli anluoshu yuan, 毘耶利菴羅樹園. Un jour, alors qu’il prêchait entouré d’une multitude d’auditeurs de toutes origines, cinq cents jeunes du clan des Licchavi, Licheli, 離車梨, avec à leur tête Ratnakāra, chin. Baojichang, 寶積長, se rendent dans le jardin et offrent chacun un dais fait de sept joyaux différents au Buddha. Ce dernier, miraculeusement, les transforme en un seul qui contient la totalité des terres de Buddha. L’assemblée subjuguée par ce miracle joint les mains et loue le Bienheureux. Cette scène est celle qui figure au-dessus de la porte donnant dans la grotte. De part et d’autre est représenté l’échange qui a lieu entre Vimalakīrti (chin. Weimojie, 維摩詰), le sage laïque bodhisattva, lui aussi du clan des Licchavi, et le bodhisattva Mañjuśrī (chin. Wenshu pusa, 文殊菩薩). Ce dialogue qui apparaît dans la section cinq du sūtra, « Mañjuśrī s’en vient prendre des nouvelles du malade », Wenshushili wenji pin, 文殊師利問疾品, a été l’occasion à Dunhuang, et en particulier dans cette grotte, de peindre des portraits d’un art consommé, dont celui de Mañjuśrī est considéré, à juste titre, comme un chef-d’œuvre de la peinture Tang. On ne sait pour quelle raison seul son interlocuteur a été photographié. Il se trouve sur la portion nord du mur est. Assis sur un support en forme de mont Sumeru, Xumizuo, 須彌座, sous un dais somptueux, il tient un gratte-dos dans sa main gauche, « bâton de conversation », de même que l’éventail de Vimalakīrti. Autour de lui, de nombreux personnages dont le visage exprime soit l’étonnement, soit l’ennui, soit encore la joie et un empereur avec sa suite, quelque peu infatué de lui-même. À droite du bodhisattva, Śāriputra (chin. Shelifu, 舍利弗), s’entretient avec une divinité à propos de la vanité de la distinction entre les genres, épisode qui correspond à la section 7 : « De la façon de considérer la multitude des êtres », Guanzhongsheng pin, 觀众生品. La présence aux côtés de Vimalakīrti des deux mêmes personnages laisse à penser que l’on illustre de la sorte les transformations réciproques de Śāriputra en deva et vice-versa, contées dans le passage.