Tumshuq, ensemble de bustes et de fragments divers, photographies prises à TumshuqCharles Nouette
[Chine. Province du Xinjiang], Tumshuq [Tumushuke, sculptures de terre séchée], ensemble de bustes et de fragments divers, photographies prises à Tumshuq
AP7562
Ancien numéro : 235
Paris, musée Guimet, archives photographiques
Prise de vue entre le 9 novembre et le 14 décembre 1906
Négatif au gélatino-bromure d’argent sur plaque de verre
H. 18 ; L. 24 cm
La partie supérieure du cliché est consacrée pour l’essentiel à des fragments de torses, de jambes drapées et aux deux seules figures presque complètes de boudha du site (auxquelles on peut ajouter le petit bois découvert dans le stūpa central, MG 21288, voir AP7574). Un poignet orné de trois bracelets, suivi de la main tenant une fleur de lotus, no 50, vient du temple B ; un torse émacié vêtu du dhoti et le ventre creux, no 118, vient du temple I comme tous les autres fragments à l’exception des buddhas assis.
Le no 154 est assis en lotus padmāsana (chin. jiejiafu zuo, 結跏趺坐), auréolé et porte le manteau monastique, la sanghāti de l’Inde. Drapé de façon à laisser l’épaule droite découverte, il recouvre les genoux et les plis s’organisent de façon symétrique. Cette manière de traiter le drapé que l’on retrouve sur les deux autres figurines, qu’elles soient en méditation (dhyāni mudrā (chin. chanding yin, 禪定印), avec les deux épaules couvertes ou comme ici, faisant le geste d’absence de crainte (abhaya mudrā (chin. wuwei yin, 無畏印), modifiant légèrement celle du Gandhāra dont elle est cependant directement issue, caractérise le site et se diffusera pour ces deux poses canoniques à travers toute la Sérinde. Le Buddha méditant no 141 affiche également un autre trait iconograhique gandharien : les plis qui ferment la robe autour du cou, resserrés ou dans cet exemple formant un léger bourrelet circulaire. Ces détails du vêtement sont présents ailleurs en Sérinde et même à Dunhuang (en salle, EO 1103, Buddha debout en bois, viiie siècle ; EO 1112, torse de Buddha en bois, ive-ve siècle), tandis qu’on retrouve la coiffure lisse et le col rond sur les figurines en bronze doré de la Chine du Nord auxive-ve siècles (en salle, EO 1283, MA 1116) et même au Shandong sous les Qi du Nord, au vie siècle (en salle, MA 7106). Tumushuke aura donc joué, après le Gandhāra et Hadda, le rôle de passeur en ce qui concerne les fondamentaux de l’iconographie bouddhique.
Parmi les bustes, l’un appartient à une figure de Buddha, no 117, les autres soit à des laïcs de l’aristocratie locale, soit à des êtres surnaturels figurant dans des scènes disparues mais dont les exemples conservés du temple B (7543, 8588 et 7542) donnent une certaine idée. On remarque la richesse des parures et en particulier des colliers circulaires à rangs multiples, des brassards à fleurons, no 119, et surtout de ce sautoir croisé, omniprésent et souvent très richement orné, non seulement à la jonction, no 124, mais également tout au long du sautoir, no 116 comme on peut également le constater sur le buste féminin no 50. Le large décolleté, que l’on retrouve en peinture sur le site (AP7546), caractérise le vêtement féminin dans toute la Sérinde (voir cat. exp. Sérinde, terre de Bouddha, no 67). Le sautoir croisé, relativement peu répandu dans l’art du Gandhāra mais qui vient de l’art indien des premiers siècles avant notre ère, semble avoir séduit ici et relève peut-être d’influences Gupta. Mis à l’honneur à Tumushuke, cet ornement sera très largement diffusé et viendra même parer à Dunhuang, peintes ou sculptées, les figures de bodhisattva et en particulier celle de Guanyin aux ixe et xe siècles (voir au premier étage, salle de Dunhuang).
La partie inférieure du cliché comporte surtout des éléments de décor et de parures qui viennent pour la plupart du temple B, ainsi que quelques fragments animaliers, cheval, oiseau, félin et sanglier.
Les trois médaillons floraux sont des rosaces de bras ou bien des éléments parant le vêtement ou des sautoirs. Le pendant d’oreilles no 61 a dû appartenir à un grand bodhisattva. Un fragment, no 61, ressemble fort aux plantes ou plumes de paon du relief AP8588 ; quant au pied de meuble en bois tourné, no 143, il est un des rares exemplaires dans ce matériau qui ait résisté à l’incendie du site.
Ces deux montants proviennent du temple B et devaient être disposés de part et d’autre des scènes narratives qui n’ont pas été conservées. Des montants de ce type ont également été utilisés dans le temple D. Le perlage circulaire et les demi-feuilles des écoinçons trahissent l’origine sassanide du motif, mais en ce qui concerne l’oiseau, c’est plutôt un phénix qu’un pigeon ou un coq. De plus, la cambrure, l’aigrette et la patte levée le rapprochent des modèles chinois présents dès les Han.
« Ce fragment de décor architectural offre une synthèse entre les deux grands courants d’influence, l’Orient et l’Occident iranien… » (Sérinde, terre de Bouddha, no 103).
Localisation de la prise de vue :
Chine → Xinjiang → Tumushuke
Index iconographique :
Materiau : terre séchée ; sculpture : haut-relief
Étapes de publication :
Catherine Delacour, 15 mars 2023, rédaction de la notice pour première publication.
Pour citer cet article :
Catherine Delacour, « 235 » dans Catalogue des photographies de la Mission Pelliot en Asie centrale (1906-1909), mis en ligne le 15 mars 2023. https://guimet-photo-pelliot.fr/notice/notice.php?id=251
© Réunion des musées nationaux – Grand Palais, 2023