Tumshuq, ensemble de têtes et de fragments divers, photographies prises à Tumshuq

Charles Nouette

Les photographies d’objets de fouilles sous forme de planche ne sont mentionnées qu’une seule fois, le 9 novembre. Il y eut bien entendu d’autres séances de ce type par la suite, mais les Carnets n’y font pas allusion.

À l’exception de la tête de sanglier issue du petit temple N (349) et de celle de l’éléphant (329) de provenance inconnue, tous les autres objets sur ce cliché sont des têtes de bodhisattva/devatā et de laïcs, plus une petite tête de moine (142), peut-être celle découverte derrière la « banquette du milieu » le 21 novembre. La tête d’éléphant est en conformité avec le type indien, aux deux bosses frontales et à la forte naissance de la trompe. Un modèle transmis des stucs de Hadda (Afghanistan,ii^e-iv^e siècle, voir au premier étage du musée Guimet le décor architectural en gradins du monastère de Tapa-i-kafariha), qui reprend également la section droite des oreilles et leurs plis parallèles (voir AP7555).

À l’inverse de l’éléphant, le sanglier est commun dans la région (342). Le traitement s’en trouve modifié dans le sens d’un modelé réaliste et correspond à un répertoire animalier à symbolique royale hérité de l’Iran sassanide auquel l’islam mettra un terme, le considérant comme un animal impur.

Les têtes de personnages laïcs réunies sur ce cliché offrent une sorte de tableau des divers types de couvre-chefs en usage dans la région (par exemple, AP7878 à Kachgar ou AP7601 à Tumushuke). Les cheveux sont disposés autour du visage de façon symétrique et avec des mèches bouclées. Les yeux présentent une exophtalmie discrète accentuée en revanche pour les êtres surnaturels, comme pour le n^o 343 de la photographie qui provient du temple N. La coiffure est une sorte de calotte arrondie à rebords épais ou bien retournés ou encore en pointe comme le curieux personnage n^o 348. Barbe et moustache, visage souriant, aimable ou bien sévère et plus dynamique des génies, les visages de ces deux catégories d’êtres sont assez proches et il suffit de sourcils plus fortement arqués, d’oreilles pointues, d’yeux globuleux et de crocs ajoutés pour que l’on ait affaire à un être démoniaque. Du reste, à l’exception de deux têtes provenant du temple I (AP7563) d’un type qui évoluera en gardien ou compagnon des gardiens de la Loi bouddhique à travers toute la Sérinde, à Tumushuke, les génies, plutôt débonnaires comme le n^o 335, sont plus nombreux.

Les cinq autres têtes, des bodhisattva, proviennent toutes du temple D fouillé au cours des derniers jours passés sur le site. La tête n^o 356, EO 1374 (Sérinde, terre de Bouddha, n^o 71), au diadème à torsade, aigrette et chevelure bouffante à mèches recourbées séparées par un trait médian sur le haut du front, est exposée au premier étage du musée Guimet (voir AP7563).