Buddha géant, côté droit

Charles Nouette

La mission est arrivée début février 1908 à Dunhuang, mais c’est le 26 que commence l’étude des grottes. Les grottes ne sont presque pas décrites dans les Carnets. Les quelques éléments que l’on peut trouver de la main de Pelliot sont publiés dans Mission Pelliot. Autres clichés, AP8179, AP8181-84 et AP8587.

Autour de la tête du grand buddha, le nimbe est à deux cercles, l’un de pétales de lotus stylisés, l’autre de rinceaux complexes. Puis vient la mandorle à deux autres registres, le premier, une série de petits buddhas en méditation du type « 1 000 buddhas », le second, des apsarā en vol dont l’une est en train de danser. On la retrouve du reste à même hauteur de l’autre côté. Le tout sur fond de flammes. La mandorle n’allait peut-être pas jusqu’en bas. Au sommet, on distingue avec peine une architecture abritant des personnages assis en méditation, qui pourraient symboliser le ciel des Tuṣita (chin. Doushuaitian, 兜率天), ou « Terre Pure de Maitreya », Mile doushuaituo fotu, 彌勒兜率陀佛土. Un pan de paroi sculpté de 1 000 buddhas paraît s’avancer jusqu’au bord de la mandorle. Hormis les murs aux 1 000 buddhas, surtout peints mais parfois sculptés, les auréoles de ce type ne font pas partie de l’iconographie bouddhique de Dunhuang. Elle est en revanche l’apanage des grands buddhas de Longmen au Henan, Yungang au Shanxi et Maijishan au Gansu pour les périodes allant du v^e au viii^e siècle. On ignore totalement quel était le décor du grand buddha lorsqu’il fut achevé en 675, mais lorsqu’il fut restauré après le tremblement de terre, il se pourrait que l’on ait refait ou retravaillé les auréoles dans un style « archaïsant » qui semble évident si l’on compare ces motifs à ceux des Wei, Qi du Nord et début des Tang. Enfin, il y a en haut à droite de la mandorle et plus précisément à gauche (cliché AP8179), des motifs végétaux qui sont ceux du feuillage de l’« l’« arbre d’Ashoka », Saraca asoka, arbre sacré de l’Inde qui fut aussi associé au Buddha. Présent dans l’art du Gandhāra, ce seraient les Sogdiens de Chine qui l’auraient remis au goût du jour aux vi^e et vii^e siècles. Il est en effet omniprésent sur leurs monuments funéraires (voir par exemple au musée Guimet le fragment funéraire EO 2062 exposé au premier étage). Il ne paraît pas avoir migré sur les monuments bouddhiques contemporains, mais il est peint dans un certain nombre de grottes de Dunhuang, comme les numéros 322, 217 et 57 du début des Tang et la grotte 428 (Pelliot 135, AP8115) des Zhou du Nord. D’autre part, les huit stèles de pierre ornant la base de la pagode du temple Qixia si, 棲霞寺, à Nankin, sculptées au x^e siècle et consacrées aux événements majeurs de la vie du Buddha historique, ont l’image de cet arbre sur six d’entre elles. Leur style rappelle un peu celui des reliefs bouddhiques des grottes Wei du Nord de Gongxian, 鞏縣石窟, au Henan. Il est donc envisageable de penser que lors de cette restauration on ait cherché à reproduire une iconographie « antique » et à évoquer une disposition du type de celle que l’on voit dans la grotte 428 (135) du cliché AP8114. Ces deux clichés sont donc non seulement une prouesse de la part de Nouette, mais aussi un témoignage à jamais perdu de ce qu’était le grand buddha en 1908.